C’est un piège !

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My three-year-old self

P’tit Yann, viens sur les genoux de Tonton, il faut qu’on parle.

Depuis un certain temps, tu commences toutes tes phrases par « quand je serai grand… », je t’écoute, et je souris tendrement. Aussi sûr que les feuilles des arbres après la saison des pluies jaunissent, aussi certain que tout objet qui s’élance dans les airs finit par redescendre sauf au Bénin, tu seras grand. Un jour. Dans pas longtemps. Tu seras grand.

Je ne serai peut être plus là pour que tu me racontes les quelques découvertes fantastiques et les nombreuses déconvenues que tu auras traversées. Mais sache que je serai de tout cœur avec toi et que je t’adresserai même si tu ne le verras pas le même sourire tendrement amer que j’ai sur le visage en ce moment.

Vois-tu mon petit père, grandir n’est pas sans danger. Demande à Bambi, il te dira. Le plus grand d’entre eux est sans doute celui que les adultes nomment brutalement « le choix ». Tu as entendu comment le mot siffle derrière ton oreille ? Aujourd’hui, tu as à choisir entre mettre la culotte bleue fluo et le pantalon orange que tu aimes tant. Compote de pomme ou de banane ? Tu trouves ça dur n’est-ce pas ? Pourtant ce sont-là deux choses que tu aimes bien. Dans quelques années, tu apprendras que le champ de tes choix ne s’étendra plus entre deux exquises possibilités mais entre une que tu aimes moins et une autre que tu aimes encore moins, entre une qui ne te plaît que moyennement et une que tu n’aimes pas du tout. Tu n’as pas compris de quoi je parlais ? Voici des exemples concrets: utiliser les 5.000F qui te restent en poche pour payer un forfait internet qui marche un octet sur deux ou soudoyer l’agence de police qui vient de t’arrêter parce que tu conduis une moto sans plaque d’immatriculation. Ou encore choisir entre un stage de deux ans à 30.000F ou un CDD à 50.000F pendant 6 mois. Ne rêve pas de CDI, nous dormirons tous mieux le soir. Université de Lomé ou de Kara ? Je te préviens, les mêmes conditions exécrables t’y attendent. A Kara, ça a juste l’odeur du moins vieux.

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In your face !

Autant que choisir c’est renoncer, grandir c’est renoncer aussi. Si tu suis ma logique, grandir c’est donc choisir. Bon, à 3 ans je ne m’imagine pas que tu comprennes forcément ce processus d’identification mathématique mais retiens-le comme ça. Note-le s’il le faut. Ah j’oubliais, tu ne sais pas écrire, petit veinard parce que c’est avec ça que viennent tous les autres merdes. Plus tu grandiras, plus tu te rendras compte que tous les rêves ne sont pas possibles: tu ne peux pas être avocat et docteur, tu ne peux pas être vétérinaire et pompier en même temps, tu ne peux pas être footballeur et multimilliardaire en même temps, mais ça #EtooPeut. Pourquoi tu ne peux pas ? Bah, parce que c’est comme ça, il faut faire des choix mon petit pote !

Et puis, il y a cette chose insidieuse qu’on ne te dira pas mais que tout le monde attendra de toi: les responsabilités, les assumer notamment. Alors, comment t’expliquer ? Assumer les responsabilités en fait c’est ce que tu es censé faire dans une situation donnée, que tu sois préparé ou pas, que tu sois prêt ou pas, que tu sois d’accord ou pas. Assumer ses responsabilités c’est ce que tu dois faire pour que tout le monde soit content même si ça ne t’enchante pas mon petit vieux. Les grands disent qu’il faut faire ces choses parce qu’elles sont « nécessaires » Et crois-moi, ça va bien te serrer ! Tu reçois des factures ? Tu paies et dans les temps stp ! Tu casses le pare-brise du voisin en essayant de glisser une invitation à ta fête-surprise, bah tu paies. Tu mets la petite graine dans la zezette de Bérénice (bon là, tu ne peux pas mais dans quelques années on en reparle) ? Tu te présentes chez son papa fou de rage et tu lui dis que c’est toi le jardinier. Tu vois un peu ?

Je constate que tu rigoles moins là. Pourtant ce n’est pas fini, ça n’a même pas encore commencé. Tu te rappelles la dernière fois, je t’ai dit que je viendrais te chercher pour aller manger une glace et puis je ne suis jamais venu. Tu as pleuré n’est-ce pas ? Ne joue pas au dur avec moi, ta maman m’a dit que depuis il n’y a plus de kleenex dans la maison. Tu vois ce genre de choses, les adultes se le font entre eux, tous les jours. Ils disent le contraire de ce qu’ils voient, ça s’appelle le mensonge. Ils ne disent pas le fond de leur pensée et se contentent de te dire ce que tu veux entendre, ça c’est l’hypocrisie. Ils font le contraire de ce qu’ils ont promis et tu vas être très triste, ça c’est la déception. Ils diront une chose à l’un et une autre à l’autre juste pour foutre la merde, ça c’est la duplicité. On dirait qu’ils font deux publicités différentes pour le même pot de yaourt. Toutes ces choses on te les fera et tu les feras parce que, te dira-t-on  tout le monde fait comme ça.

Finalement un jour, tu seras suffisamment grand, ces salopards de cheveux commenceront à se faire la malle, tu auras du poil aux aisselles et une sympathique demi-douzaine de factures qui attendent patiemment que ton salaire tombe. Tu te retourneras, regarderas ton parcours et tu te diras que ce n’est pas trop mal tout de même. Tu verras les choix que tu as faits et tu comprendras qu’ils t’ont mené là où tu es arrivé et que sans eux tu serais une personne différente. Tu contempleras les choses auxquelles tu as renoncées et tu te consoleras en te répétant qu’à défaut de t’en avoir appris plus sur qui tu es, elles t’auront mieux appris  qui tu n’es pas. Enfin, tu te diras que les responsabilités quand tu mets de côté l’aspect contraignant, cela t’attache le respect des gens à défaut de leur amour. Et ils te foutent royalement la paix quand tu fais bien ce que tu dois. Tu comprendras que les choix, mine de rien c’est sacrément important, ça te permet de faire le tri. Quand tu auras survécu à l’orage des déceptions, des mensonges, des trahisons et autres incongruités du comportement humain, tu verras que seuls les meilleurs resteront autour de toi. Ceux que tu appelleras légitimement la famille et les amis.

Un jour tu auras trente-trois putain de balais si, si, quand on est grand on a le droit de dire ça pour exprimer sa joie, et tu te diras qu’avoir l’âge du Christ ce n’est pas si traumatisant que ça, sauf quand on n’est pas dans les clous de sa vie (Alerte: jeu de mots) ; que la vie offre des possibilités infinies pourvu qu tu saches la regarder avec des yeux d’enfant. Tu te retrouveras comme le vieux con qui te parle, à écrire un billet sur un blog, désespoir ultime, pour expliquer à l’enfant de trois ans que tu as été que grandir ça peut être moche mais que ce n’est pas trop mal quand même.

Allez descends, allons taper dans un ballon. Mais avant, promets-moi une chose:

NE GRANDIS JAMAIS, C’EST UN PIEGE !

Nota: C’était mon anniversaire il y a deux jours, donc j’ai le droit d’écrire des gros mots dans mon billet.

Allez ciao,

Yann.

C’est un piège !

A tous les jardiniers qui s’ignorent

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Source: hdwallpapers.move.pk

Un jour, il t’arrivera de vouloir accomplir quelque chose de plus grand que ce que tu as fait de ta vie jusque-là, quelque chose de plus grand que toi-même. Ce jour-là, tu mettras un plant en terre.

Jardiner est une activité reposante, délassante mais tu dois savoir que tous les planteurs n’ont pas la main verte. Tu apprendras que pour faire une belle plante, il faut du soleil, de la pluie, mais de l’ombre, de l’amour et de la patience aussi. Lorsque tu sors sous le ciel radieux, prends garde aux oiseaux, de peur qu’ils ne mangent le semis. De la même façon tu t’inquiéteras lorsque le bourgeon sortira de terre, et des saisons durant, ton sommeil sera troublé par moult dangers que tu auras aperçus dans les nuances de l’azur.

Jardinier, tu veilleras. Tu veilleras près de la terre nourricière, épiant tout mouvement dans l’obscure nuit, craignant les atermoiements des cieux. Tous les matins, tu guetteras les signes annonciateurs de l’éclosion. Mille fois, tu t’en retourneras sans réponse. Et puis ce matin-là vaudra toutes les attentes, toutes les sueurs froides, toutes les tempêtes sous ton chapeau de paille. Ce matin-là, dans toute sa noblesse, comme si tout lui était dû, le bourgeon apparaîtra. Minuscule et superbe, il appellera les regards, exigera l’admiration et narguera ton émerveillement. Tu auras beau arrosé la graine, nourrir le sol d’engrais, la poussée du bourgeon t’échappera, car depuis la nuit des temps, c’est un conseil secret qui n’appartient qu’à la graine et à sa terre. Elles feront tout, ne te laissant que le choix de t’inventer toi-même, t’engendrer parmi les amoureux des coteaux exposé au levant, t’appeler jardinier, si tu le veux, si tu le peux. Elles n’en n’ont cure.

Dès lors, tu arroseras de plus belle, parsèmeras de ton attention les recoins du jardin. Tu donneras beaucoup, recevras si peu. Et pourtant cela t’empliras d’une joie indicible. Tu admireras ta plante qui se dresse délicatement au-dessus du sol, tu t’émouvras de sa fragilité, et elle rira de ton émotion.

Plante qui pousse peut rapidement devenir herbe folle. Tu improviseras donc un tuteur pour l’élever haut dans le ciel. Avec les saisons, tu élagueras çà et là les branches difformes ou impropres. Tu éloigneras avec véhémence moucherons et pucerons. Puis tu arroseras, sans cesse, toujours, avec plus d’eau, plus longtemps. Et quand elle se fera indocile ta plante, inlassablement, tu retourneras les feuilles vers le soleil, qu’elles se gorgent de lumière et de ciel. Elle en viendra à jurer contre le soleil, et toi patiemment, tu garderas l’œil rivé à ton but.

Puis les printemps succédant aux automnes, les feuillages verts faisant suite aux feuillages de feu, ta plante étendra ses bras au-dessus du jardin. Elle te tutoiera du haut des cimes et tu regarderas avec fierté ses branches se lancer à l’assaut du firmament. Elle se sera profondément ancrée dans le sol, plongeant ses racines dans les abîmes pour se nourrir goulument de la générosité de la nature, elle aura découvert une quelconque nappe sous-terraine et n’attendra plus ton arrosage quotidien. Lorsque le soleil brilla fort, les dimanches tu goûteras ton pastis avec famille et amis, refaisant le monde encore et encore, assis à son ombre. Ta jolie plante sera devenue un arbre majestueux. Il portera du fruit, parce que c’est ce qu’attend tout jardinier de sa graine. Du fruit coloré et juteux. Ce jour-là tu seras fier car ton travail n’aura pas été vain.

Mais pour l’heure, tu es étendu, fumant une énième cigarette, ou consultant nonchalamment ton téléphone. Tu es si loin de t’imaginer que la plus grande aventure de toute ta vie vient de commencer : tu viens de faire l’amour, tu as planté ta graine. Un jardinier vient de naître.

  • J’ajoute à ce texte, la musique que j’ai écoutée en l’écrivant. Cette chanson me fait toujours penser à ma petite plante à moi, celle pour qui je me bats tous les jours, celle pour qui je forme une armée à moi seul. Mo, this text is for you.
A tous les jardiniers qui s’ignorent

Un Liebster Award pour le Petit Togolais Libre

 

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Source: http://www.goodnews-bonnesnouvelles.com 

Et puis tout arrive un jour. Mais rien dans la vie n’est le fruit du hasard, du moins je me borne à le penser. Cela m’a plutôt bien réussi jusqu’à présent.  Nous sommes à la fin d’un mois particulier : Leonardo Di Caprio a eu un Oscar, les gens ! Oui oui, ça y est, il n’est plus en froid (quand on sait comment il est mort dans le Titanic, c’est le comble) avec l’Académie qui distribue les fameuses statuettes. Alors discours, applaudissements, honneurs …

Bref, je me perds. J’ai, enfin mon blog, été nominé au Liebster Award par Jessika de Motherapie et Eli Sem de Ma Reflexion par mes Mots. Je fais d’une pierre deux coups, ceci est honteux, je sais. En fait c’est le sujet que je me tuais (pas comme Leonardo Di Caprio) à faire venir si péniblement. Soyez sympas, faites semblant de ne pas savoir ce que c’est le Liebster Award. Ça me donnera l’occasion de faire semblant d’expliquer ce que c’est, échange de bons procédés.

Alors le Liebster Award, qu’est-ce que c’est ?

En fait c’est truc de blogueurs égocentriques qui se font de la pub gratos et qui envahissent votre fil d’actualité avec leurs conversations toutes mignonnes et pleines de bons sentiments. Ça c’était la version Moi, Moche et Méchant. En vérité, le Liebster Award a pour objectif de promouvoir les blogueurs inconnus qui se morfondent de l’indifférence collective qui ont moins de 200 abonnés. Quand je disais bons sentiments – Tais-toi – Toi aussi – Merci. Ça c’était moi, m’adressant avec autant de fermeté que je peux à Moi, Moche et Méchant.

C’est quoi le principe ?

– Révéler onze choses sur soi

– Répondre aux 11 questions posées par le blogueur qui vous nomine

– Poser 11 questions aux blogueurs que l’on nomine soi-même

11 choses à savoir sur moi :

  • J’ai une sainte horreur d’avoir les pieds mouillés, d’ailleurs il faut que j’aille consulter.
  • Je suis un grand enfant dans ma tête, je me fais des blagues nulles et je ris tout seul.
  • Le moment où j’ai le plus d’idées d’articles c’est le matin sous la douche
  • L’état de mon armoire est toujours le reflet exact de mon état psychologique du moment. La plupart du temps mon armoire est mal rangée, je vous laisse deviner le bordel dans ma tête
  • Je me suis promis de ne plus regarder aucun match ni de l’Olympique de Marseille, ni d’Arsenal depuis décembre. Guess what, je n’ai raté aucun match de championnat à ce jour…
  • J’ai deux chiennes que j’appelle mes filles : une blanche et une noire, le yin et le yang, le jour et la nuit quoi.
  • Mon chiffre porte-bonheur c’est le 7. A contrario, j’ai une aversion pour le 6 et le 9. Quand on m’attribue un numéro j’en fais systématiquement la somme pour voir si le résultat est un 6 ou un 9.
  • Je supporte mal qu’on soit fâché contre moi à tort ou à raison.
  • J’ai une mémoire des dates. Je les oublie rarement, pour des choses aussi importantes que les choses les plus futiles.
  • J’ai eu 10/10 d’acuité visuelle au dernier test, je ne porte des lunettes que pour me protéger de la luminosité qui me donne des migraines folles
  • J’ai lu plus de livres ces six derniers mois que ces six dernières années. Un de mes objectifs en 2016 est d’en lire le maximum.

Mes réponses aux questions

  • Qu’est-ce qui vous a poussé à démarrer ce blog?

 

L’ennui ! Non, plus sérieusement, j’ai toujours eu des envies d’écriture constamment reportées, repoussées, annulées. Et puis mon fils est né. J’ai eu envie de lui laisser une trace, une sorte de carnet de route de ce voyage entamé il y a maintenant trois années. Vous ne le savez sans doute pas mais, mes textes sont truffés de détails, de codes qu’il saura déchiffrer lui, dans quelques années. En fait, le Petit Togolais Libre c’est lui, pas moi.

  • En un adjectif, comment décririez-vous votre expérience de blogueur (euse)?

 

Exaltant ! Mon aventure de blogueur c’est un cheminement vers les autres avec le plaisir de la découverte d’autres compagnons de route. C’est aussi la découverte de moi-même au travers du regard des autres. C’est toujours un plaisir de rencontrer des lecteurs d’échanger avec eux sur ce qu’ils ont ressenti en me lisant, sur les blagues qui les ont fait rire, les histoires qui les ont émues. Ça fout pas mal la pression aussi !

  • Avez-vous des phobies?

 

Plein. Les sandales mouillées, les reptiles, les souris, l’enfermement, les bruits stridents. Je continue ? La liste est très longue mais je me soigne (pas)

  • Avant de passer un appel, répétez-vous ce que vous allez dire? Si oui, pourquoi?

 

Oui, presque toujours ; pour la simple raison que je déteste téléphoner. En général ce que j’ai à dire au téléphone tient en moins de trente secondes. Il parait que mon opérateur veut résilier mon contrat, je ne corresponds sans doute pas au type de clients qu’il recherche.

  • Si vous pouviez poser UNE question qui vous permettrait de connaître votre avenir, que voudriez-vous savoir?

« Comment finit l’histoire ? » Parce que comment je finis sera la conséquence de comment j’aurai vécu. Je suis obsédé par la mort, par ma mort. Pas très réjouissant, mais c’est tout moi.

 

  • Quelle est votre plus grande fierté? Votre plus grand accomplissement?

Mon fils, incontestablement. C’est ma motivation ultime. C’est un petit garçon magnifique, un guerrier qui combat avec des bisous et des sourires. Je le regarde souvent et je secoue la tête, ayant toujours du mal à réaliser que j’ai pu engendrer un être aussi beau. Heureusement que je ne l’ai pas fait seul sinon j’aurais eu déjà l’égo dans la gorge, prêt à bondir ! (rires)

 

  • Si vous deviez mourir dans les prochaines minutes (un peu morbide, j’en suis désolée), que regretteriez-vous de ne pas avoir dit? Et pourquoi ne pas l’avoir dit jusqu’à présent?

Absolument rien. Je suis un taiseux par nature, mais je finis toujours par dire ce que je dois. Je pense que la vie m’aura donné l’occasion de dire aux gens importants ce que je pense de chacun. Je ne vis pas dans les regrets.

 

  • Quel est votre billet le plus lu? Pouvez nous dire combien de lecteurs a-t-il eu?

 

Il s’agit de « Vous n’êtes pas Charlie, Monsieur » qui a été lu par plus de 1200 personnes. C’est peu mais j’en garde un souvenir spécial parce que j’avais des retours de partout, les notifications pleuvaient. Même si ce n’est pas mon post préféré, j’ai une affection particulière pour lui.

 

  • Quelle première décision prendrez-vous si vous étiez élu Président de la République (d’un pays africain de préférence) ?

 

Ce serait un programme offrant des subventions massives à ceux qui se lanceraient dans l’agriculture biologique. Dans cette filière bio qui émerge, je pense que l’Afrique, qui a inventé l’écologie bien avant que le monde occidental ne sache ce que cela voulait dire, a une carte à jouer. Et cela me peine d’autant plus quand je vois les politiques agricoles aller vers un modèle qui a déjà échoué ailleurs.

 

  • Pour vous, c’est quoi le bonheur ?

 

Ce type de questions philosophiques… J’ai en commun avec quelques amis ce slogan publicitaire « Bien manger c’est le début du bonheur » mais vu qu’on ne parle pas du début du bonheur mais du bonheur lui-même, cela mérite réflexion. Je pense que le bonheur désigne moins un état que sa construction. Le bonheur est un cheminement, un voyage sur lequel on s’entoure de ce qui nous apporte l’épanouissement pour autant nuire à autrui.

 

  • Donnez un verset biblique ou une citation que vous appréciez particulièrement.

Un des versets les plus frappants de la Bible se trouve à Apocalypse 8, verset 1 : « Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure. » Curieusement, moi qui ne suis pas un lecteur assidu de la Bible, j’ai découvert ce verset dans un téléfilm. Et pour le blogueur à l’imagination fertile que je suis, la scène recèle une puissance insoupçonnée. En brisant ce septième et dernier sceau, l’Agneau confirme la perfection de l’accomplissement de l’œuvre créatrice de Dieu. Il révèle aussi et explique tous les mystères de la vie. Vous imaginez les conséquences ce doigt appuyé sur le cire lisse et brillante ? Bon je me calme…

Mes nominés :

Ils ne sont pas dans un ordre particulier de préférence. Ce sont des blogs sur lesquels j’ai aimé lire au moins un texte. Je vous laisse les découvrir :

  • Chris Free Voice qui oscille entre réflexions et poésie
  • Polesse les Jours Impairs, qui s’est arrêté d’écrire mais dont j’ai toujours apprécié la plume légère
  • Du Fiel Au Miel qui n’écrit pas assez mais pour qui j’ai une affection particulière
  • Fady Bello, qui lit, réfléchit et partage dans un joyeux délire le fond de sa pensée
  • Mylène Flicka qui porte des problématiques de société et met en lumière des héros ordinaires
  • Cinarelle dont la fougue et la passion vous prennent au cœur.
  • Renaud Dossavi, l’Afrique est heureuse d’avoir encore des empêcheurs de tourner en rond comme lui. Philosophie et poésie
  • Aissa qui regarde le monde assise sur la terrasse d’un café
  • Fatou qui s’exprime à partir de sa petite bulle
  • Akossiwa qui porte dans son Bénin natal le combat de l’insertion sociale des filles-mères
  • Giovanni qui recherche des traces de l’avenir dans son passé

Mes questions :

A vous que j’ai nominés, mes excuses par avance de vous imposer cet exercice que vous ne désirez peut être pas. Voici les questions auxquelles je vous propose de répondre.

  • Quel est parmi les articles de votre blog celui duquel vous êtes le plus fier ?
  • Quels sont trois sujets que vous vous refuseriez à aborder sur votre blog ?
  • Quel blogueur vous a donné le plus envie de vous lancer dans cette aventure ?
  • Si vous deviez délaisser votre blog pour aller écrire sur un autre de votre choix, lequel serait-il ?
  • Quelles sont les valeurs de votre éducation en lesquelles vous vous fondez le plus ?
  • Si l’occasion vous était offerte d’écrire sur un carnet de route sur le voyage de votre choix où iriez-vous ?
  • Quelle est la dernière chose que vous faites avant d’aller au lit ?

A tout bientôt pour un post que je prévois écrire depuis un mois et demi… ça prend le temps que ça prend.

Yann.

 

 

 

 

 

Un Liebster Award pour le Petit Togolais Libre

7 vérités sur Raymond

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Aujourd’hui c’est le 7 Janvier, je ne vous apprends rien. Je cherchais juste une phrase pour commencer ce billet ;  à croire que toute ma créativité est restée coincée dans l’entre-deux fêtes, ce qui vous le reconnaîtrez est bien moins agréable que de rester coincé entre deux fesses. Attends, il vient de parler de « fesses » en ouverture de son billet ?

Aujourd’hui (donc !) c’est la Saint Raymond et ça tombe bien, j’ai un ami qui s’appelle Raymond. Oui, Raymond. Il y a encore des gens qui s’appellent comme ça. Et c’est un sacré numéro, Raymond. J’aurais bien écrit un article au titre bien senti, style « 50 nuances de Ray », que je n’aurais pas réussi à caser toutes ses lubies et manies dedans. Vu que je ne suis ni d’une motivation débordante en ce début d’année et que vous n’avez pas une attention à toute épreuve après les excès éthyliques des fêtes, je vais vous la faire courte et me limiter à 7 révélations sur Raymond. De toute façon si j’en disais plus on m’accuserait de délation par blog interposé. Vous auriez sans doute adoré les scoops croustillants, il aurait moins apprécié, lui.

Son surnom en sixième c’était « la chair numéro 2 »

Oui j’imagine que vous avez fait « hein » en lisant, même si vous ne l’avez pas fait, soyez charitables, faites comme si, ça m’aiderait beaucoup. En sixième, puisque Raymond et moi nous nous connaissons depuis ce temps-là, le prof d’anglais l’avait surnommé ainsi parce qu’ils étaient deux garçons particulièrement enrobés dans la classe. C’était très marrant un temps mais, il a réussi finalement à tourner ses joues rondes à son avantage. Tout le monde a fini par le connaître pour son humour décapant et sa grosse voix. Nous avons mené une scolarité en parallèle au collège, moi collectionnant les classements de premier de la classe et lui suant au milieu des mêmes classements, ouais, je me la pète juste un tout petit peu jusqu’à un mardi soir en troisième où nous sommes retrouvés l’un derrière l’autre dans un cours de soutien. Non rassurez-vous, personne n’a essayé dans un collège catholique de faire de nous des garçons efféminés. Les cours de soutien avaient pour but de nous tracer la voie royale vers le brevet. Bref, ce soir-là Raymond et moi nous sommes véritablement « rencontrés » ,oui, oui, comme un couple. Pendant que le pauvre prof s’évertuait à dispenser son savoir, nous ergotions sur les différentes techniques « artisanales » de contraception. Il s’agissait d’un cours sur la reproduction. Et il faut croire que nous n’étions pas de si mauvais apprentis avorteurs vu qu’on a décroché le brevet en fin d’année tous les deux et que nous nous sommes retrouvés en seconde en Septembre à la rentrée suivante. Nous avions bavardé dans la cour avec un groupe d’élèves et depuis ce jour, nous ne sommes plus jamais quittés. C’est mignon je sais, épargnez-moi vos sarcasmes

Il n’y a jamais eu de « S » à Raymond

C’est la pure vérité. A une époque, mon cher ami a ajouté un « s » à son prénom pour l’américaniser et se donner un genre. A prononcer « Roémondce » Encore heureux que ça ne soit pas terminé en Raiponce. C’eût été bien risible. Nous écoutions du R’n’B et étions à fond dans la culture dite urbaine .Oui, moi !, baggys, t-shirts XXL, bandanas etc. Nous avions des rêves de célébrité, et avions créé dans nos têtes de multiples émissions de radio. Certes, nous avions bien fini par en faire, de la radio à deux reprises, ensemble. Mais nous avions finalement conclu que la célébrité, c’était très peu pour nous. La vérité c’est qu’on ne nous payait pas. La fameuse maxime « Etre dans le vent est une ambition de feuille morte » entendue un soir d’insomnie sur France2 vient de là. Nous ne sortions pas beaucoup, en tout cas moins que la moyenne des jeunes de notre âge, mais nous sortions bien. Je me rappelle encore de ces samedis où nous passions la soirée au téléphone à convaincre dix, quinze amis que ce serait la soirée de l’année et qu’il fallait absolument qu’ils viennent en boîte avec nous. Nous renouvelions quand même l’opération le samedi en quinze, c’était à nouveau la soirée la plus chaude de l’année…Les gens croient tout ce qu’on leur dit. 🙂 Arrivés devant le Privilège Night Club, nous nous mettions dans un coin, Raymond collectait les entrées puis allait négocier un salon avec une ou deux bouteilles que nous ne buvions que très peu. Nous n’étions pas des soûlards quand même, qu’est-ce que nos mères auraient dit ! Puis venait le grand moment : nous rentrions dans la boîte à la queue leu-leu, les vigiles nous tamponnaient la paume gauche, preuve que nous avions payé nos entrées et nous nous installions comme des grands ! Souvenirs…

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Oui en général, il était très fatigué après les soirées en boîte, le Raymond

C’est la Formule Un des gens bordéliques

Dans une certaine mesure, tout le monde est un peu bordélique, avouez. Surtout, les jeunes hommes. Mais Raymond, c’est le niveau Champions League. Il y a eu cette époque où j’habitais quasiment chez lui et  où j’étais, à proprement parler, émerveillé par le chaos dans lequel nous vivions. C’est un artiste du désordre : pour aller déposer un CV, cherchant un diplôme à photocopier, il lui fallait une heure pour tout mettre sans dessus dessous. Vous pouviez revenir dans la chambre trois mois après, le désordre vous attendrait, intact. J’exagère à peine, mais l’idée est bien là. Il faut savoir choisir ses combats dans la vie, c’est un combat auquel j’ai renoncé face à Raymond. Le propre des gens géniaux c’est un bordel caractéristique, chez mon ami en question, le bordel n’est pas que dans sa chambre, il est aussi dans sa tête. Il vit dans un tourbillon perpétuel d’idées aussi saugrenues que géniales. Raymond est très pratique, trop pratique même des fois, là où je ne le suis que très peu. Il a l’esprit très vif mais presque chaque année, il oublie la date de mon anniversaire. Je le répète : le bordel permanent. J’ai trouvé la parade : chaque année au 1er Octobre, je commence à lui faire des rappels chaque semaine jusqu’au jour J. Malgré cet arsenal, il trouve le moyen de ne m’appeler que dans l’après-midi au mieux ou pire le soir, pour me souhaiter un joyeux anniversaire. C’est déjà ça de pris.

Il est le roi des cachotiers

Depuis toutes ces années que je le connais, il y a des choses que je ne sais pas sur Raymond. Croyez-moi, j’ai renoncé à savoir aussi. J’ai encore le souvenir assez douloureux de cette période où il me demandait sans cesse de le couvrir sans jamais me dire ni où il était ni quand il reviendrait. Mes balbutiements au téléphone avec sa mère m’écorchent encore les oreilles. Raymond cache absolument tout, même des choses sans importance, à tel point que Yvan et Manouchka ont avancé l’idée qu’il était devenu producteur de films pornographiques. Autrement nous ne voyions pas d’explication logique à certains de ses comportements. On peut être cachotier, mais réclamer dans le même temps de la transparence de la part d’autrui, reconnaissez que cela frise l’insolence. Je ne connais que très peu des amis de Raymond en dehors de moi, mais il suffit qu’il apprenne que quelqu’un est venu déjeuner chez moi ou que je suis allé en soirée avec un groupe d’amis qu’on frôle l’incident diplomatique. Le flot continu de questions qui s’en suit demeure une source d’étonnement pour moi… La réciprocité, il ne connaît pas, le Raymond.

C’est un véritable enfant de la télé

Raymond est un génie paresseux. Et comme tous les gens de cette catégorie, il aime le contenu intellectuellement prêt à consommer. La télévision en revend toute la journée et il adore ça. C’est l’amour de sa vie, la télé. Quand il est devant sa télé, les verbes « absorber » et « être absorbé » prennent tout leur sens. Il est littéralement dans sa télé, quand il regarde une émission il ne faut surtout pas l’embêter avec la paix dans le monde, les enjeux écologiques ou autres sujets mineurs comme ceux-ci. Sa mémoire RAM est entièrement saturée et il te répond avec un décalage digne d’un pentium II , après t’avoir intimé une demi-douzaine de fois le silence. Quand il regarde la télé, vous avez deux choix : soit regarder avec lui (en silence de préférence) ou aller faire un tour, vous dégourdir les jambes puis revenir. Il en est tellement fana qu’il dort encore aujourd’hui avec sa télé allumée. Il dit que ça le berce et que son cerveau absorbe les infos pendant son sommeil. Tout ça, c’est la faute à iTélé.

Il m’a appris à négocier

Les bons élèves en général sont bons à l’école, et très peu dans la vie. Cela a longtemps été mon cas. Nous avions pris prétexte de quelconque exposé ou devoir à rendre pour nous retrouver chaque samedi au Centre Culturel Français de Lomé pour lire quelques bouquins puis vers midi partir en vadrouille au Grand Marché. Au début, je m’enthousiasmais devant un t-shirt ou un CD avec des grands cris et de grands gestes, bref le gaou total. Un jour, il m’a dit : « C’est exactement parce que tu fais ça, que tu paies tout trop cher. Observe et apprends ». Du grand art ! Raymond m’a expliqué que quand un article me plaisait, il ne fallait jamais montrer mon enthousiasme, mais plutôt prendre l’objet de mon désir sans trop le regarder puis en souligner un défaut. Trop grand, trop petit, la couleur ne convient pas, il y a une tâche invisible, bien sûr, tout prétexte était bon pour dévaloriser l’article. Il fallait ensuite le reposer dédaigneusement puis attendre que le vendeur donne un prix. Et là, il fallait être sans pitié ! On divise le prix par trois et on commence la négociation sur cette base. Au début, j’avais les chocottes avec cette partie. J’avais peur de me prendre une gifle monumentale en procédant ainsi, mais la technique a fait ses preuves. Si les négociations bloquaient, il fallait faire semblant de s’éloigner et dans la grande majorité des cas, le vendeur te rappellait. Il ne fallait surtout pas se retourner tout de suite, mais faire mine de poursuivre son chemin. Mais sur son insistance, grand seigneur, on pouvait revenir à ce moment sur ses pas. Le rapport de force s’inversait. Là, on concluait par un smatch lifté : jeu, set et match ! Le premier article que j’ai acheté ainsi c’était un CD de compilation de R’n’B qui nous (on l’a acheté en cotisant les pièces qui nous restaient) a coûté 700 FCFA (1,3EUR environ). Le vendeur nous a bien eus : c’était des chansons américaines, reprises en karaoké par des Chinois. Vous imaginez notre tête en écoutant le CD.

Raymond était là

Au milieu de ces révélations qui n’en sont pas vraiment, en voilà une que peu connaissent. Ce lundi matin, il était 5h quand je l’ai réveillé au téléphone.« Raymond, aide-moi! » Il était sorti en boîte la veille et n’avait que très peu dormi, il n’a, de ce fait pas compris. J’ai dû répéter. Il est quand même arrivé en catastrophe. Et à l’hopital quand on m’a annoncé la tragique nouvelle, je ne suis pas tombé sur un membre de ma famille mais sur Raymond qui venait à ma rencontre. Dans notre culture, les hommes ne s’étreignent que très peu. Mais l’étreinte de ce matin-là restera à jamais gravée dans ma mémoire. Dans mes souvenirs, je pense qu’il s’agit de l’unique fois où nous nous sommes pris dans les bras l’un l’autre mais cela voulait dire quelque chose pour chacun. C’est ce jour-là que j’ai acquis la certitude que nous resterions amis toute la vie.

Je fais encore partie de ces gens qui utilisent le vocable désuet « meilleur ami ». Raymond est plus que mon meilleur ami, c’est le meilleur de mes amis. C’est le frère dont la vie m’a privé, c’est aussi mon esprit jumeau, pas parce que nous pensons pareil, c’est rarement le cas, mais plutôt parce que nous nous complétons comme les pièces d’un puzzle géant. Il apporte la fantaisie, j’ajoute la méthode. Il a les idées, je les traduis en mots. Il a les ailes, je suis la racine.

Je dis souvent que la vie ne nous donne pas la possibilité de choisir nos frères et sœurs, c’est pourquoi il faut choisir avec soin ses amis. Raymond est truffé de défauts : il est tout le temps en retard, quand tu lui prêtes un objet il ne te le rend jamais intact, il oublie constamment mon anniversaire, mais pour rien au monde je ne l’échangerais contre un autre. C’est mon ami parce que c’est la personne au monde dont je tolère le mieux les défauts, la personne à qui je passe les comportements que je n’autoriserais à personne d’autre.

Et non, aujourd’hui n’est pas un jour comme un autre, ce n’est pas que le 07 Janvier 2016. Aujourd’hui, Raymond a 30 ans. Cela fera cette année 20 ans qu’on se connaît, 15 ans que nous sommes inséparables. Et je me connais, je n’aurai jamais le cœur de m’asseoir en face de lui et lui dire toutes ces choses écrites dans ce post mais je pense qu’à travers ces lignes, il aura parcouru les allées du temps avec moi.

Raymond, je te souhaite un très joyeux anniversaire. Aussi joyeux que le bonheur que j’ai de t’avoir comme compagnon de route. Je te souhaite petit frère, de continuer à éclairer  la vie de ceux qui t’aiment. Tu ne te souviens sans doute plus ; de toute façon, tu oublies toujours tout, mais pour ton anniversaire en 2003, je t’ai offert un lampion en plastique cheap. Tu m’as demandé, probablement déçu, pourquoi ce cadeau ? Je t’ai répondu que c’était la flamme de notre amitié. Et toutes ces années après, elle brûle toujours.

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Inutile de dire lequel est Raymond sur la photo

We’ll die together, we’ll live forever !

 

7 vérités sur Raymond

#JeSuis2015

 

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(Source:www.golfmatchapp.com)

Alors qu’un crépuscule terne monte dans le ciel de 2015, je me retourne et vois le chemin parcouru.

Cette année, plus que les précédentes, tout le monde aura été quelque chose, un concept, une idée. Tout le monde aura porté une philosophie, en quête d’une identité. Qui a dit que notre civilisation s’était assise sur ses valeurs ? Relayés par les médias mainstream, portés à bout de bras par les réseaux sociaux, 2015 aura vu nos fils d’actualité noyés sous des slogans et revendications des plus pertinents au plus farfelus.Si le soleil des flux médiatiques a éclairé, parfois plus intensément que de raison, certains sujets, une foule d’autres sont restés invariablement dans l’ombre. Sujets peu vendeurs, pas assez glamour, jamais rentables, pas orientés géopolitiquement comme il faut, ils n’auront pas trouvé leur chemin jusqu’au cœur du grand public. Ou éphémères effets de mode, ils auront tôt fait de disparaître de notre mémoire collective, sélective. Je suis chacun de ces oubliés.

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Attends, tu as dit que tu étais qui déjà ?

Tel le bourdonnement de votre frigo, vous m’entendez mais vous ne m’écoutez pas. Bruit de fond rassurant du quotidien, on me traite rapidement et sans grand détail. Ça ne se fait pas de dégoûter le bon peuple pendant son dîner devant la grand messe du 20H. Je suis lui, mourant de faim dans un camp de réfugié. Je suis elle, violée alors qu’elle prenait la fuite face aux rebelles qui avançaient. Je suis le produit de ce commerce encore légal de vos armes de guerre, je suis le prix de votre sécurité et de votre confort. Je suis victime d’une guerre invisible, inaudible, indolore pour vous.

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(Source: http://www.lecongolais.cd)

C’est vite dit, cela sort comme une réflexion amusante. Et puis, on voit le sourire gêné des personnes autour. C’était censé être drôle… et puis plus personne n’a ri. Ce moment précis où la bêtise humaine dans toute sa splendeur se fait jour, quand les idées refoulées se fraient un chemin jusqu’à la bouche. On a peur, on ne connaît pas assez l’autre, ce qu’il défend, ses traditions. Un amalgame vient d’être formulé, un racisme ordinaire, banal s’est exprimé. « Quand y’en a un ça va, c’est quand ils sont nombreux qu’il y a un problème » disait l’autre. Je suis celui qui le reçoit en pleine face tel un crachat, je suis celle qui ne rentre pas dans vos canons de beauté, je suis cet enfant qui ne trouve pas de modèle dans une société qui veut en faire un citoyen de seconde zone, une beauté « exotique ». Je suis victime de ce racisme policé qui choisit ses mots, de cette xénophobie bleue marine qui oublie que le même sang rouge coule dans tous les veines.

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N’est-ce pas, ma Didine ? (Source: olivierganan.wordpress.com)

Cette fois-ci c’était la bonne. Nous nous sommes alignés au soleil, cherchant fiévreusement nos noms sur la liste. Nous avons assisté pleins d’espoir aux dépouillements et puis le train de la démocratie a annulé son arrêt à notre gare.

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La communauté internationale, Charlie de son Etat, a applaudi ceux qui ont marché à Paris et qui répriment dans le sang l’opposition chez eux. Je suis le peuple à qui on a promis l’autodétermination et à la tête duquel on maintient contre son gré des potentats, monarques républicains, héritiers du trône national. Je suis tous ces peuples à qui on fait croire la démocratie n’est pas utile pour tous. Je suis le bulletin de vote orphelin de sa vérité.

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(Source: http://www.renauddossavi.mondoblog.org)

Je suis le chiffre de la résignation. #BringBackOurGirls. 623 jours que les 219 jeunes filles de Chibok sont retenues prisonnières par Boko Haram. Je suis le voile dont leur tête est couverte et qui empêche les gendarmes du monde de se bouger pour les retrouver. Parce que 219 têtes voilées n’auront jamais dans notre monde autant de valeur que 219 têtes blondes, je suis le silence qui entoure la destinée de ces jeunes filles. Je suis chacun des cheveux noirs, crépus qui sont sur leur tête et dont leurs parents attendent le retour. Je suis leur désespoir et leur impatience de reprendre une vie normale.

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(Source: http://www.gallerianews.com)

Des mots griffonnés, une différence clamée, la persécution, la prison. Je suis la plume trempée dans la détermination, enfoncée dans cette liberté inébranlable, cette aspiration supérieure à la vérité. Je suis ce son de cloche qui retentit mal aux oreilles des puissants et qui trouble leur repos. Je suis le caillou dans la chaussure des corrompus, la mouche qui se pose sur le chardonnay de ceux qui vont contre la volonté du peuple. Je suis tous les blogueurs qui sont pourchassés, persécutés, emprisonnés pour avoir donné leur opinion. Je suis leur dos meurtri qui reçoit les coups de fouets et leurs côtes qui se brisent sous les coups de bottes. Je suis leurs écrits qui éclairent, leurs caricatures qui exaspèrent. Je suis la protection qu’ils n’ont pas, je suis leur volonté indéfectible de rendre témoignage.

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Si vous pensiez encore que bloguer était sans risque, voici le dos de Raif Badawi, blogueur saoudien condamné à 1000 coups de fouet. (Source: http://www.kabyle.com)

Mon énergie du désespoir se trouve dans les vagues qui dévorent les côtes. Ma colère est dans le typhon. Mon agacement gronde dans le mercure qui monte. Je suis votre planète qui a le vertige. Je suis la Terre, votre habitat commun que vous détruisez, les écosystèmes que vous fragilisez. Je suis cette planète qui a la fièvre et qu’aucun de vos traitements cosmétiques ne parvient à apaiser. Je suis votre logeuse qui risque de vous mettre dehors. Je suis votre mère qui se meurt pendant que vous hésitez encore à arrêter la surexploitation des ressources dont je vous ai fait gardiens.

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Vu comme ça, ça l’air tout de suite plus concret non, le réchauffement climatique ? (Source: Skyrock.com)

 

Nous, nous sommes comme Dieu : les gens savent que nous existons mais cela fait longtemps que plus personne ne nous a vues. Nous sommes les fondements de la société harmonieuse que vous voulez bâtir. Je suis chacune des valeurs humaines qui s’évanouissent dans l’inconscient collectif. Je suis le respect, la fraternité. Je suis la justice, le travail, la tolérance. Je suis ces valeurs qui se brisent sur les boucliers d’égoïsme, de cupidité, de discrimination que vous vous êtes forgés. Je suis le sang des victimes qui vous demande des comptes : où est donc passée votre humanité ? Je suis la larme qui tombe sur le cœur qui se ferme. Je suis le rêve des pères fondateurs, je suis les aspirations des peuples, je suis la revendication de la foule en colère.

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http://www.memegen.com

En 2015, chacun aura cherché qui il est. Chacun aura, à défaut de se trouver soi-même, trouvé qui il n’est pas. Chacun aura porté ses idéaux en bandoulière et monté ses valeurs en épingle. Et c’est très bien ainsi : un monde qui dialogue et échange sur ce qui est et ce qui n’est pas. Puissent les petits combats légitimes de chacun apporter de grandes victoires à notre humanité toute entière.

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C’est pas très Charlie de le dire mais bon on en fin d’année, il y a prescription ! (Source: http://www.agoravox.fr)

Quant à moi, je suis petit, togolais, libre et fier, perché sur mon caillou, scrutant l’humanité qui se meut, oublieux d’une actualité qui va désormais trop vite et qui aura omis de parler de nombreuses causes de l’ombre dans ce billet. Je suis chacune de mes victoires en 2015, chacune de mes contradictions. Je suis chacune de mes larmes de dépit, chacun de mes cris de joie. Je suis l’ombre et la lumière, le silence qui parle et la parole qui tait. Je me suis arrêté pour contempler le chemin derrière. Je regarde de nouveau vers l’avant. Et je reprends ma route.

Rendez-vous en 2016.

#JeSuis2015

Je ne prendrai pas ton appel

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Source: security-faqs.com

14 sonneries, pas de réponse. J’ai tôt fait de passer le téléphone sous un coussin ou de couper tout simplement la sonnerie. Tu m’as déjà appelé et tu as pensé que je devais être occupé ou que je dormais. Ce n’était pas le cas. Je n’aime pas téléphoner, je suis téléphonophobique.

Je compose ton numéro, tu dis « Allô » et tout ce que j’ai à te dire s’évapore de ma tête, je sens presque les idées quitter mon esprit, glisser subrepticement dehors comme le sable qui fuit entre les doigts. Je me heurte à ton « comment tu vas ? », je bute sur la réponse, et puis j’abandonne dans un soupire : «je vais bien » . Pourtant cela partait d’une bonne intention. J’ai un bon fond, tout au fond ! Les gens normaux prennent des nouvelles de leur famille, leurs amis, appellent pour discu-tailler de temps en temps. Moi aussi, j’aime  pas du tout bien ça (en fait je m’efforce désespérément d’être « normal ») sauf… que chez moi après le « comment vas-tu » et le « ça va » qui vient lui répondre sans réfléchir, il y a des gros trous qui se creusent dans la conversation, à côté le Grand Canyon est un nid de poule. Je voulais de tes nouvelles, tu vas apparemment bien, c’est bon ? On peut raccrocher maintenant ? Pourquoi tu veux m’imposer cet exercice pénible ? Il faut qu’on parle, qu’on SE parle ! Je suis super bon pour écouter, et si tu parlais seul(e), je me ferai tout petit, tu ne me remarqueras même pas

C’est là que tu entendras certains entamer un long monologue que j’écoute patiemment (tout va bien tant que tu ne me demandes pas de parler) avec une seule question chevillée au corps « Où tu veux en venir ? » C’est quoi la conclusion ? Cela va-t-il me plaire, me faire rire, m’énerver, faut-il que je sois désolé à l’avance ? Toi aussi, sois précis(e), j’ai besoin d’anticiper pour avoir une réaction ne serait-ce qu’humaine, normale !

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Moi quand je me dis: « Où est-ce qu’il veut en venir exactement ? »

Je ne vais pas te surprendre mais pour nous les gens qui n’aimons pas parler, avoir un contact visuel est important. C’est une source inépuisable d’informations, tu n’imagines même pas. Quand on dit que les yeux sont le miroir de l’âme, sachez que le visage est une glace sans commune mesure. Il est vital que je voie ton visage, que j’évalue l’impact de mes paroles sur toi. Si je fais de l’humour pourri noir, j’ai besoin d’être sûr que tu as compris que c’était juste une blague. Quand je t’explique une chose qui m’a contrarié, je veux voir sur ton visage si tu t’en fous (auquel cas, je t’épargne les détails et je vais droit au but) ou si tu te sens concerné (dans ce cas tu as gagné la version longue avec rebondissements et fin dramatique) ?

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Source: knowyourmeme.com 

Pour un téléphonophobique (je te promets que ça s’appelle comme ça), j’exerce un métier où je reçois et dois passer une multitude de coups de fils par jour. Du pur bonheur ! C’était là qu’il fallait rire, tu as oublié. Surtout quand je dois poser des questions précises et dans le meilleur des cas, obtenir l’accord de l’interlocuteur. Si tu vas me dire non, autant que je le sache dès le départ, on gagnera du temps tous les deux. Par essence, je n’aime pas les explications longues, encore moins au téléphone parce que tu n’as aucun moyen de vérifier si l’interlocuteur a bien compris ce que tu voulais dire. Et je peux te promettre que dans ce cas précis, des yeux plissés, un sourcil levé, un regard perdu valent un million de fois mieux que la sacro-sainte question de validation mon œil ! « M’avez-vous bien compris ?» Quand tu as le gars en face, tu sais avant de la poser s’il va se dire en son for intérieur « tu me prends pour un demeuré ou quoi ? »

Quand je voulais écrire ce billet, je me suis replongé comme souvent dans mes souvenirs, pour savoir d’où me venait cette phobie. Freud, sors de mon corps, j’ai suffisamment de mal à y habiter seul. J’ai repensé à cette époque où ma voix a mué et que les gens me disaient « bonjour Monsieur Untel » quand je décrochais le téléphone de la maison parce qu’ils pensaient parler à mon père. Un complexe de la grosse voix que je traîne encore aujourd’hui. J’ai aussi repensé au fait que dans ma famille, ce qui n’était pas dit oralement avait autant, voire plus d’importance que ce qui sortait de la bouche. J’ai le souvenir des mauvaises nouvelles qui sont arrivées par le téléphone. Je me suis souvenu t’avoir annoncé au téléphone la pire des nouvelles qui soit aussi par un matin timide de novembre. Il me revient en mémoire que tu m’as appelé des dizaines de fois sans avoir rien de particulier à dire et que ceci m’agaçait profondément. Je me suis rappelé qu’il y a une bonne quinzaine d’année, tu m’appelais tous les mercredis après-midi pour savoir si je te pardonnerais et que je n’ai jamais eu le courage de te dire que c’était fini. Le même courage que je n’ai pas eu pour t’appeler et te dire que je n’étais pas coupable de ce dont tu m’accusais, tu ne m’as pas adressé la parole pendant cinq bonnes années pour ça. Il y a toujours un moyen de se rattraper avec les vivants, je l’ai fait tant bien que mal avec toi. Mais quand la mort est passée par là, le silence devient éternel. Je voulais t’appeler, je le jure. Je ne savais juste pas quoi dire, j’ai reporté encore et encore… Et c’est un coup de fil qui m’a annoncé que je ne te reparlerai plus jamais. Je le regrette chaque jour qui passe.

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A lire tout ceci, tu as pu croire que je vis sans téléphone, ce n’est pas le cas. J’en ai même deux et ils ne sont jamais très loin. Je suis relativement actif sur des applications de messagerie ou de microblogging (pour la pub, je l’avais déjà dit, il faut me payer d’abord).

L’idéal pour les gens comme moi ce serait des smartphones sans la fonction phone. Non je ne suis pas paradoxal, je suis « normal ». Appelle-moi à l’occasion, je décrocherai peut être mais si je ne le fais pas, n’y vois rien de personnel. Dis-toi que je cherche encore comment enrichir notre conversation.

Je suis téléphonophobique… mais je me soigne. Tu es prévenu(e), la prochaine tu m’enverras un message d’abord.

Je ne prendrai pas ton appel

A part ça, tout va bien, merci.

Crédit photo: psychology.wikia.com
Crédit photo: psychology.wikia.com

Et puis un jour, tout se casse la gueule.

Tu te réveilles la tête en coton, l’esprit embrouillé. Tu te retournes mollement dans ton lit… Non tu ne veux pas aller bosser aujourd’hui. Troisième roulade dans le lit et là, le drame : tu as mal au dos, la nuque complètement raide. Mais tu es bon esclave, le travail ne va pas se faire tout seul, tu es absolument indispensable à ton maître, qui pourtant te noie et te broie sous la tâche.

Allez, un pied à terre, le gauche tant qu’à bien faire. Le deuxième ne tarde jamais à le rejoindre. Inséparables ces deux loustics. Là, assis au sommet de la montagne de ton lit tu contemples dans la vallée serpentant comme une rivière furieuse et sans fin tous ces jougs que tu vas poser tour à tour sur tes épaules dans la journée, les tâches quotidiennes, que les gens normaux appellent ça. Tu vois défiler devant tes yeux, la journée de rêve, le cauchemar vivant qui t’attend plutôt, oui ! Tout va bien ?

A part ça, oui tout va bien, merci.

Tu dois, tu dois, tu dois ! Tu dois, sinon… C’est là que tu te dis que l’existence serait tellement plus « fun » s’il y avait moins de « je dois » et plus de « je veux ». La pensée en mode coma avancé tu te prépares tant bien que mal et tu pars prendre ta place dans la chaîne. Un pion ! Rien de plus. Tu vas en baver et tu vas en redemander ! Et surtout ne te hasarde pas à demander des choses aussi superflues que de la reconnaissance, de la valorisation. C’est quoi ça ? Tu t’es cru où ? Ici on parle performance, indicateurs, résultats, tu veux nous causer de comment tu te sens ? A ce propos, comment ça va ?

A part ça, tout va bien, merci.

Alors tout devient extrêmement pénible. Tu ne vis plus, tu traverses ta vie, comme le couteau traverse le beurre, mollement, sans envie, sans autre ambition que de se rendre jusqu’au bord opposé. Tu ne fais plus rien comme d’habitude, tu bouffes lentement, tu marches lentement, tu réfléchis tout aussi lentement. Même ton corps réagit différemment : les objets te tombent des mains et s’excusent presque, tu ressens des picotements à des endroits de ton corps dont tu avais presqu’oublié l’existence, un goût de métal dans la bouche. Tout peut, et tout t’exaspère. Et tu es exaspéré d’en être exaspéré. Sinon comment tu vas ?

A part ça, tout va bien merci.

Tel le froid insidieux qui se glisse dans les articulations, elle vient s’emparer de toi, t’embrasser de son étreinte amère, te posséder de la façon la plus sournoise. Avec les jours qui défilent vient l’hôtesse indésirable, la désespérance profonde qui n’interroge pas, qui ne veut rien et qui prend tout. De ses vagues douces et régulières elle te submerge et tu t’abandonnes dans ses bras parce que tu n’as plus envie de nager, les vacances et la plage sont bien trop loin. Ce sentiment insipide ne vient pas seul, un seul fléau ne peut convenablement pas t’abattre. Alors la lame de fond, la colère se lève,  se dirige droit sur toi et avant que tu n’aies le temps d’esquisser la moindre esquive te poignarde au foie puis enfonce sa lame par à-coups précis et violents. Elle te vide de ta bonne humeur et laisse la bile te remplir et se répandre dans tes veines. Elles entament leur danse morbide, la désespérance et sa comparse la colère. Elles dansent autour de toi, t’hypnotisent jusqu’à ce que tu deviennes leur. Les tempes qui battent, la tête embrasée, tu attends comme un camé le prochain shoot. Mais si on te demande comment tu vas ce matin …

A part ça, tout va bien merci.

Au début, tu le nies, – qui peut s’avouer une chose pareille ? – tu repousses l’échéance puis l’emporte l’évidence. La colère se mue en amertume, tu projettes sur les autres le tourbillon qui te ravage de l’intérieur. Le bruit de la vie t’insupporte, les gens heureux et les soucis banals de leur quotidien te paraissent si futiles. Courage, fuyons ! Tu évites tes amis, tu te replis. L’enfer c’est les autres non ? Tu veux traverser ton moment seul, boire le calice jusqu’au goudron au fond. Tu ne parles plus, ne prends plus ton téléphone, tu lis tes messages sans répondre. Tout va bien ?

Non, rien ne va. Je suis déprimé. Sans raison. J’ai tout ce qu’il me faut pour être heureux et je ne manque de rien. Pourtant, un beau matin quelque chose s’est brisé. D’abord c’était une petite fissure à laquelle on ne fait pas attention, puis c’est devenu une faille. Un matin, l’édifice s’est écroulé, dans un bruit sourd et sans prévenir. Restent après la fureur de l’effondrement, le silence indifférent du néant. Alors si on me demande si tout va bien.

Oui, à part ça, tout va bien, merci !

A part ça, tout va bien, merci.

La femme invisible n’est plus

Crédit photo: www.afritorial.com
Crédit photo: http://www.afritorial.com

Il vient des moments dans la vie où il faut marquer l’instant, prendre sa plume et graver le nom de gens pour qu’ils survivent au détour dans les tourbillons du temps. J’écris ici ces mots parce que j’ai peur d’oublier, de faire comme tous les autres, de t’oublier.

Bien sûr, tout ceci débuta un jour par « Ils se marièrent, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Bien sûr, tout ceci commença par des promesses d’amour éternel et d’avenir certain. Bien sûr, ils se sont aimés un jour, du moins j’aime à le croire parce que cela tranquillise mon esprit angoissé.

Un jour, ils avaient été un couple, un tout. Ils avaient fait ce que les gens font, ils s’étaient unis, avaient eu des enfants. Ils avaient eu une vie ordinaire, de sourires et de pleurs. Ils avaient feuilleté les pages du quotidien avec le sourire mélancolique des gens qui voient la course du temps s’étirer.

Et puis il y a eu le retour au pays, l’amertume de la déception, la morsure de l’impuissance et puis … la résignation, cette coupe qu’on ne boit que quand plus aucun breuvage n’étanche les cris du cœur. Dans cette dénégation des époques qui mentent, des lendemains qui déchantent, ils avaient reçu l’injure suprême de la vie, le crachat chaud de ce destin indocile avec son rire imbécile au visage. Ils avaient perdu leur enfant.

Bien sûr, ils eurent d’autres enfants, un pied de nez ultime à cette vie insolente qui les narguait sans cesse. Mais plus rien ne fut jamais pareil. Depuis lors c’était installé entre eux cette gêne, ce non-dit qui vous creuse les entrailles comme un cancer jusqu’à bâtir un mur de silence entre eux. Ils vivaient sous le même toit, élevaient les enfants que la vie leur avait conservés sans plus jamais se regarder, sans plus jamais s’aimer.

Il devint amer. Elle fit semblant de ne pas le voir, c’était une phase, cela lui passerait, le temps ferait son œuvre. Il était irascible. Elle développa des trésors d’excuses pour lui pardonner. Il était froid. Elle était chaleureuse pour deux, illuminant le monde de son rire infini. Il ne voulait plus travailler. Elle se démena comme trente-six diables réunis pour mettre du pain sur la table, allant ça et là, vendant ses bijoux, multipliant les petits commerces qui s’éteignaient d’eux-mêmes. Elle le secoua avec la tendresse qui la caractérisait, il ne voulut pas.

Alors, certes le temps ne fit pas son œuvre, mais la lassitude, oui. Les enfants avaient grandi, ils avaient quitté le nid. En mal d’amour, elle aima Dieu. Elle Lui dévoua son existence, balayant la nef de la paroisse, multipliant les séances de prières. Elle était devenue folle de son Dieu, Il ne l’en aima pas plus. Lui, regardait tout cela sinon avec désapprobation, avec  de l’indifférence tout du moins. Il ne prierait aucun Dieu qui se satisfaisait de le voir vivre à genoux alors qu’il était taillé pour diriger les hommes.

Cette femme, tout le monde la connaissait pourtant peu étaient capable de lire la désespérance derrière ses yeux qui brillaient. Peu connaissaient son histoire. Elle vivait à côté à côté de nous, sans jamais à aucun moment vivre avec nous. Elle avait la dignité de nos mères, et le courage que seul l’abandon de la vie vous laisse. Elle s’inquiétait de tous et demandait des nouvelles de chacun. Jamais personne ne la visitait, ils avaient sans doute peur que la misère qui la frappait devienne contagieuse. Elle ne possédait rien, mais elle avait ce sourire que jamais la vie même dans son acharnement à la briser ne lui avait pas pris.

Elle avait le cœur fragile, mais elle l’avait dans la main. Ce jour-là, elle était revenue une énième fois de l’église. Il était là, sur la terrasse où il était invariablement posé. Ils s’étaient à peine salués. Elle voulait manger une omelette. La vie avait plus faim qu’elle. Elle ne ressortit jamais de la cuisine. La femme invisible est partie. Dieu l’a prise dans ses bras, apaisant ses douleurs et lui expliquant pourquoi Il s’était tu durant toutes ces années.  Je ne connaissais pas son prénom.

Bien sûr, j’ai ressenti une grande tristesse. Bien sûr, j’ai mon quotidien à penser. Bien sûr, je vais l’oublier. Alors je pose ce texte ici, pour que les tourbillons du temps ne la dévorent pas dans mon esprit.

Pour ne pas oublier.

La femme invisible n’est plus

Les 10 commandements du blogueur togolais

Source: www.patheos.com
Source: http://www.patheos.com

Une centaine de mètres après le péage routier de Zanguéra. Dimanche 6 Septembre, 18h approchant :

  • – Vas-y souffle !
  • – Non mais, déconnez pas , il va se brûler les yeux pour rien !
  • – Tchalé, je dis : souffle !

Ils soufflèrent dans le tuyau mais rien n’y fit, la fièvre n’était pas prête de retomber.

*La suite risque de ne pas vous plaire, j’ai la décence de le signaler dès le début. Lisez la note de fin de page, puis revenez reprendre la lecture.

Mercredi 16 Septembre 2015.

Il y a une petite dizaine de jours, du 4 Septembre au  6 Septembre, le #BlogCamp228 a réuni les blogueurs du Togo (de Lomé, soyons honnêtes, ça ne tue pas) dans la magnifique ville de Kpalimé nichée dans les hauteurs. Sur les montagnes, nous avons parlé, échangé, partagé, bref toutes ces choses fort sympathiques qui finissent invariablement en « é » et qui arrachent un « Eh » de regret aux absents.  Je ne vous oublie pas, non jamais. #CelineDionVoice

Puis conformément à la loi de la gravitation universelle qui stipule que tout ce qui monte est appelé à descendre (Attention : ceci est une simplification éhontée)…eh bah, nous sommes redescendus. Redescendus de notre petit nuage, de notre bulle hors du temps, de notre émerveillement quasi infantile. Mais nous ne sommes pas redescendus les mains vides. Je vous ai ramené, tel Moïse revenant de la Montagne Sainte du Kloto, les 10 commandements du blogueur togolais.

I. Sans Internet tu feras

Après deux heures de route en pleine nuit au milieu de broussailles hautes comme des maisons et de montagnes aux silhouettes menaçantes, à Kpalimé tu arriveras. Ta route pour le lieu de rassemblement à un Zémidjan, plein d’aplomb tu demanderas. Oui Google Maps, aux pays à l’adressage impeccable tu laisseras. Après que la police t’aie appelé sur la route « Autorité », le fait que le Zémidjan mette les feux de détresse pour t’accompagner, en rien ne t’étonnera. Enfin installé, au premier atelier sur WordPress tu assisteras. Le fait que la connexion internet ne fonctionne pas en rien également ne t’étonnera. Soyons clairs pour m’éviter de me répéter inutilement : au Togo rien de ce que tu verras, entendras, sentiras, gouteras, rien de tout cela ne t’étonnera ! Voilà, dit ce sera. Entre connexion cahoteuse et débit absolument surprenant de fluidité sans cesse tu oscilleras .

II. A des débats surréalistes tu assisteras

Ayant été frustré par l’absence de connexion, dans le repas du soir refuge tu chercheras. Tu ne noteras point les corps minces avalant sans coup férir une bonne quinzaine de boules de « kom » sans prendre un centimètre de tour de taille. Tu t’émouvras uniquement de tes joues qui s’arrondissent quand tu en as avalé juste trois. A la faveur de la nuit, et d’un peu (beaucoup) d’eau de feu, tu entendras, tranchant le voile de la nuit, venant d’un autre corps mince « C’était tellement jouissif ! ». Ainsi parlera la jeune turbulente, truculente, parfois bruyante mais surtout attachante Mylène Flicka.

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Quand tu apprendras qu’elle parlait d’un bouquin, rassuré tu seras. Ou de mariage pour tous, d’adoption pour tous, de bonheur pour tous en somme, le Petit Togolais Libre avec Renaud Dossavi, débattre dans le silence (ou l’indifférence générale) tu entendras. Telle une chorale de crapauds après la pluie, les blogueurs s’esclaffer tu entendras. Pour cause, Le Salaud Lumineux, « l’état d’ébriété, quel beau pays ! » conclura.

III. A l’étranger ta porte tu ouvriras Grande nouveauté du BlogCamp228 version 2015, l’ouverture aux sensibilités et aux plumes venues d’ailleurs tu feras. Ainsi la communauté togolaise des écrivains frustrés avec un plaisir non dissimulé ni par les interruptions intempestives de Mylène, ni l’enthousiasme communicatif de Charlie, des filles du Dahomey accueillera. Un souvenir inoubliable, le séjour kpaliméen leur laissera.

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IV. Telle une balle tu rebondiras

Si du silence habituel des spectateurs aux Tweetups tu t’irriteras, enchanté par la qualité des échanges et des argumentations au BlogCamp tu seras. Chacun voulant surpasser, ajouter, compléter les propos de son prédécesseur, régulièrement « j’aimerais REBONDIR sur les propos de X » tu entendras. A tel point que l’expression à elle seule, la variété du débat symbolisera. Le signe évident d’une connivence fragile, un déclencheur automatique de sourires dans le futur cette expression deviendra.

V. De selfies tu te couvriras

Telles les riches dames de l’aristocratie égyptienne antique en faisant de même de leur riche maquillage, de la caméra frontale de ton smartphone un usage excessif, abusif tu feras. Immortalisant çà et là moments de complicité, moments délirants ou tout simplement moments de solitude bien méritée. Impressionné par la quantité d’images produites lors de ce BlogCamp en comparaison au précédent tu seras, les plus belles restant les « cielfies » à des centaines de mètres d’altitude dans le ciel ensoleillé du Château Vial

Crédit photo: Moi même :-) feat Koko St Kokou
Crédit photo: Moi même 🙂 feat Koko St Kokou

VI. Singing in the rain en live tu vivras

Un véritable moment d’intense émotion la descente du Château Vial sous une pluie peu commune sera. Partagés entre l’inquiétude pour les leur, bloqués au sommet, et leur propre sécurité dans cette descente rendue épique par la faible visibilité sur cette route sinueuse et étroite, les cœurs seront. Ce moment précis où le bus est redescendu dans la vallée, les blogueurs en entonnant des chants d’enfance salueront. « Je descends de la montagne à cheval » par là passera.

VII. A défendre ta liberté tu t’acharneras

Si une chose, le Petit Togolais Libre agréablement surprendra, ce sera l’obstination voire l’acharnement avec laquelle les blogueurs togolais leur liberté de ton, d’écriture défendront, allant jusqu’à mettre en échec le projet d’association, préférant ne pas céder aux sirènes de la professionnalisation de leur blog. Un signal symbolique cela demeurera. En effet, cela du signe d’un besoin de continuer à s’exprimer sans contrainte ni impératif marquera.

VIII. De partage tu t’armeras

Si de ce joyeux rassemblement un maître-mot restera, le « partage » celui-là sera. Le partage matériel rapidement s’estompera. Mais ce partage de l’esprit, de la créativité, de la technique, ce dernier atelier d’écriture juste avant le départ, à jamais le parfum de la nostalgie recèlera. Bien avant, les sourires et ce halo fleuri de blagues toutes plus pourries les unes que les autres , dans une douce insouciance les blogueurs plongeront. Le Salaud Lumineux de la plaisanterie sur son abondante pilosité dorsale par le Petit Togolais Libre à jamais rancune tiendra.

IX. Les regards tu éviteras

Et puis dans un accès de réalisme, la belle bulle de mots éclatée finira. Dimanche 6 Septembre en début d’après-midi, chacun ses valises fera. C’est à ce moment précis que le fait se produira. Plus leurs oreilles, les sourires atteindront. Les regards jadis pétillants désormais teintés du regret de partir tu éviteras. A ce que ce moment ne s’éternise pas, chacun veillera, de peur peut être que les yeux de buée se couvriront épousant l’humeur du ciel ce soir-là…

X. Aucun des tiens tu n’abandonneras

Mais oh, tu as fini de nous gazer avec ton texte illisible, aux tournures alambiquées et à la conjugaison incertaine ?

Mais si, mais si, j’y viens. Quelques minutes après la sortie de Kpalimé (ça va mieux cher lecteur ?), ma pire crainte se matérialisait sur mon tableau de bord. L’aiguille a bougé : le moteur chauffe anormalement. C’est là que notre atelier de mécanique du dimanche, non prévu au programme officiel du BlogCamp débuta. Il se terminera plus de quatre heures d’horloge plus tard.

Dimanche soir 18h donc, nous sommes une petite dizaine affairés autour de mon capot ouvert, alternant soufflage dans le radiateur (ne me demandez pas de détails) et reversement d’eaux de toutes sortes. Curieusement l’ambiance est bonne, on aurait dit un concours improvisé de blagues belges. Au bout de deux bonnes heures courant le risque constant de nous brûler grièvement le visage, tel un compromis entre le divin et la mécanique, la voiture redémarre. Tout ce petit monde va pouvoir rentrer chez lui. Ce qui m’aura indéniablement marqué c’est le refus obstiné des uns et des autres de quitter l’équipage. La nuit tombante n’y changera rien. Ils restèrent jusqu’au bout et aucun des leurs sur le bord de la route ils n’abandonneront (un petit dernier pour la route)

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C’est aussi cela le blogging qui nous passionne tous : derrière les écrits parfois acerbes, les attaques dans du fiel trempé, derrière chaque ordinateur, un cœur bat.

**Pour lire les dix commandements, petite astuce : le verbe conjugué au futur simple se trouve quasi systématiquement à la fin du groupe verbal. Il est important de repérer le verbe pour comprendre mes élucubrations

***Non, je n’ai respecté aucune des recommandations données (parfois par moi-même) lors de ce fameux atelier d’écriture. Mais bon, c’est aussi cela la Liberté du Petit Togolais… Libre, c’est le cas de le dire !

Les 10 commandements du blogueur togolais

La leçon de Berlin

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Le Bundestag, siège du parlement allemand

Il y a des endroits que tu imagines, que tu fantasmes, que tu rencontres enfin, et qui sans prétention ne te déçoivent nullement.

Depuis quelques jours, chers lecteurs, je suis en vacances. Oh la joie ! Couper le lien avec les mails, les préoccupations, les urgences… Un mois à ne rien faire, ou plus précisément un mois à ne rien faire de professionnel en tout cas. Alors je suis parti seul, direction Leipzig en Allemagne, ancienne RDA. Curieuse destination pour des vacances non. Eh ben c’est le choix du coeur. Ma frangine habite là. Là où est ma frangine, même dans un désert sans eau, j’irai !

Leipzig est une ville plutôt charmante, si si !  Il peut y avoir du charme dans ce pays pour qui sait regarder. Bref, nous avons vu ce qu’il y avait à avoir les deux premiers jours puis pour ce week-end, ma chère soeur a décidé qu’il était temps que je vois Berlin.

Au bout d’un petit trajet en bus, nous voici au coeur de la capitale fédérale de l’Allemagne réunifiée. Le temps de poser nos bagages à l’hôtel et nous repartons dans la même course folle: dites à mon médecin que je marche les dix mille pas par jour prescrits par mon S-Health pour perdre mes rondeurs ! 

Au programme, des lieux symboliques de Berlin, Friedrichstrasse, Alexanderplatz, La Porte de Brandebourg etc. Puis en prenant une rue large comme Lomé en compte peu, nous voyons peu à peu le nombre de touristes augmenter. Tout le monde prend des photos. Je ne tarde pas à comprendre, nous abordons le Berlin historique, le nazisme, la déportation mais aussi et surtout le Mur. Mes cours d’histoire défilent devant mes yeux: l’administration quadripartite, le pont aérien, les missiles soviétiques à Berlin Est, Checkpoint Charlie etc.

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Checkpoint Charlie, point de passage entre Berlin Est et Berlin Ouest avant la construction du mur en 1961. Des acteurs reproduisent encore aujourd'hui la passation d'armes entre les gardes

A cet endroit précis, malgré toute le marketing un peu malsain fait autour de la chute du mur en 1989 je prends quand même conscience de toutes les façons stupides que les Hommes ont inventé pour ne pas s’aimer. Mais aussi du fait que peu importe le temps que cela prend ils finissent toujours par se retrouver.

Je ne suis en Allemagne que depuis quelques jours, je ne prétends pas avoir cerné tous les contours de ce que j’ai eu sous les yeux mais ce que mon sentiment profond me dit c’est que ce peuple martyrisé, divisé puis retrouvé dans la douleur a trouvé le moyen de passer au-dessus du fleuve sanglant de l’histoire ou le contourner de façon intelligente et sensible. Berlin est une ville cosmopolite, bruyante, follement joyeuse, qui a appris à faire avec les vicissitudes du passé, à les intégrer et même en faire un force. Les vieux bâtiments du 17ème cohabitent avec majesté avec des gares futuristes, des immeubles de verre et d’acier sans que leur charme en soit nullement affecté. Au contraire !  A Berlin quand un bâtiment a été bombardé pendant la guerre, on ne le reconstruit pas à l’identique, on le reconstruit avec un ajout contemporain. Le magnifique dôme de verre du Bundestag, le parlement impressionnant de ce pays si décentralisé en est l’illustration éclatante. Une sorte de « Nous avons appris des erreurs du passé et on vous emmerde cordialement ». Tout à l’image de ce Berlin si divers, si avide de vivre: de la joyeuse et délurée  Kreuzberg où les jeunes de la communauté turque font tourner les belles cylindrées le samedi soir et où le monde entier se croise dans un joyeux bordel dans les bars italiens tenus par des Allemands ou les Kebabs où vous pouvez être servis par un jeune asiatique, aux quartiers plus calmes, plus chics autour de Ku’damm où le beau Berlin sort boire un verre aux belles terrasses.

Ce que je retiendrai de Berlin c’est cette cohabitation indifférente et en même temps si bienveillante entre le passé glorieux de ce pays qui exhale une telle puissance et son avenir si lumineux si bigarré sans que personne ne s’en émeuve comme si le métissage, le mélange, le brassage était l’avenir le plus certain pour ce pays à la population vieillissante. La leçon de Berlin c’est que point n’est besoin de tourner le dos au passé qui vous fait peur pour bâtir l’avenir dans lequel vous pouvez trouver la rédemption.

Bien sûr, tout n’est pas rose à Berlin, j’en veux pour preuve cette  réunification un peu à marche forcée qui a imposé beaucoup de sacrifices et de renoncements aux Allemands de l’Est, mais mon impression globale est extrêmement positive et mes souvenirs conserveront un goût tendrement sucré de ces longues promenades à Berlin.

Liebe Grüße von Berlin,

Yann.

La leçon de Berlin