Le piment dans quelle sauce ?

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Source: http://www.from-the-source.com (No kidding !!)

Bonsoir Reniss,

C’est avec un plaisir non dissimulé que je me pose, entre deux recettes, l’une brûlée, l’autre trop salée pour t’adresser cette missive qui je l’espère conviendra à ton bon goût. Yes, les formulations old school !

Reniss, tu me permettras de t’appeler ainsi par ton « petit nom » (Nom de caresse comme on dit parfois chez moi), puisque depuis que tu es entrée insidieusement dans ma maison un soir de Juin dernier, j’ai l’impression que tu fais partie de la famille. Ce soir-là, tu as allongé ta sauce jusqu’aux oreilles de mon petit garçon et tu m’as fait passer pour un vieux con par la même occasion mais, c’est la famille, je te pardonne. Après le bisou habituel que je recueille tel une feuille de laurier des lèvres de mon petit bout de chou sur mes joues tu vas en bouffer des métaphores culinaires, chacun son tour, il se remit à chanter comme un mantra aux accents de curry « Dans la sauce ! Dans la sauce ! Le piment dans la sauce ». Tout à mon étonnement, je me retournai vers mon second de cuisine (eh oui y’en a qui ont de la chance : l’homme porte la culotte et fait aussi la cuisine – pour huer cette blague misogyne, sexiste, machiste, tapez 1  ).

  • « C’est quoi encore cette histoire de piment dans la sauce ?  m’écriai-je.
  • C’est la nouvelle chanson à la mode ! » me fut-il rétorqué dans la foulée

C’est à ce moment précis que mon destin bascula.

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J’entendis une voix de là-haut me disant : « Fils, c’est le tube ! »

  • Lequel Seigneur, dentifrice, mayonnaise, ketchup ?

Le Seigneur roula des yeux, et Il vit que c’était bon, mais me laissa à mon interrogation. En effet, il venait de voir qu’Ali prévoyait de voler les élections. Le sens de priorités.

Pour moi, tout s’arrêta là. J’avais d’autres sauces à fouetter. Il fallait bien que le peuple mange.

Et puis un beau jour, mon fouet élimé se cassa et je reçus la sauce dans les oreilles. Lourde, parfumée, et pleine de mystère.  Une chose dont j’ai été convaincu en entendant ta chanson, c’était de ma paternité. Oui, ma paternité. Pas que j’en doutasse spécialement (la perçance ! ), mais si mon petit estomac sur pâte, pardon sur pattes avait été marqué par la chanson c’est qu’il avait de bons goûts musicaux comme son père. C’est pas beau, ça ?

En vérité, de cette première vraie écoute je suis ressorti avec des interrogations. Remué dans les méninges comme le plat de haricot « couché » tord les boyaux, je m’en ouvris pet-être trop vite à toi. En témoigne, cet échange épistolaire en 140 caractères qui, aujourd’hui je dois te l’avouer, m’a laissé sur ma faim, un goût amère en bouche.

https://twitter.com/YannMoebius/status/765238053304754176

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Qu’était donc cette fameuse « souuuauce » dont les hommes sont censés raffoler ?

En effet, quand tu affirmes

« Les hommes aiment les femmes avec beaucoup de sauce »,

j’ai envie de te contredire. Je suis actuellement au régime (les priorités, j’ai dit ), j’évite les sauces autant que je peux. On ne peut donc pas généraliser. Bref passons.

Du coup, quand tu lances la première strophe, tous poumons dehors je me dis : elle se rattrape bien. En fait, la chanson n’a rien à voir avec la diététique, écoutons sans modération. J’ai candidement pensé que tu parlais de relation de couple, de foyer  en référence à

« Ne mets pas ton doigt dans ma sauce hein
N’ajoute pas le sel dans ma sauce »

avec un soupçon de tobassi

« Ne prépare pas mon nom dans ta sauce
Voleuse de sauce, Gâteuse de sauce
Ne touche pas à ma sauce »

Et en as de la confusion, tu réussis à me dévier de cette première impression : en fait la sauce c’est la vie et ses problèmes. Je parviens à m’en convaincre quand je t’entends lancer

« La sauce qui pique à mort !
La sauce est chaud à mort ! »

En voilà une qui comprend nos difficultés quotidiennes à joindre les deux bouts, à manier la cravache et la carotte devant l’âne de nos finances. Ah Reniss, quelle fille pleine de sagesse et de compassion tu es !

Et puis, tel le beurre qui frémit dans la poêle, le doute vint napper le fond de bienveillance que je me pris à t’accorder. La vinaigrette a mal tourné à partir de ce que nos amis américains appellent le « bridge » (avouez que pont, ça a l’air un peu con posé là tout seul au milieu de nulle part) :

« Ça c’est la danse de la sauce (Ok !)
Lave les mains (Oui, normal !), tourne la langue (ah ouais, pourquoi pas ?), suce le doigt (si on est gourmet, oui ?)
Caresse le ventre (ça marche pour les gourmands), tourne les reins (pourquoi ? mais pourquoi ? On va tourner les reins pourquoi ?) »

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Ceci me ramena à la question du tout début : de quelle sauce parle-t-on exactement ?

Et enfin, ça m’arriva comme un kebab balancé en pleine poire : La sauce c’est donc … ! Noooooooon !!!

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C’est donc pour cela qu’elle dit « When soup don’t bole massa fufu no di pass » ! Traduction pour ceux qui ne sont pas camerounais intégrez-vous, je ne peux rien de plus pour vous: Quand il n’y a pas de sauce le pilon ne glisse pas. Tout est clair maintenant ?

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Merci d’éloigner les enfants, âmes sensibles, asthmatiques et autres asiatiques présidentiables (pardon, ne m’éPINGlez pas)

C’est à ce moment précis que je compris, restons dans les images culinaires, que tu étais une petite cochonne, chère Reniss. Je relançai la chanson le cœur battant tel le jus de tomate qui boue. Et j’eus un niveau de compréhension complètement différent.

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En vérité, Reniss ta chanson est exactement à l’image de la sauce de chez nous, pleine d’ingrédients divers et variés, aux goûts savoureux. Autant chacun y trouve ce qui l’intéresse, de même chacun entendra ta chanson selon son niveau d’interprétation personnel de ce qu’est la fameuse sauce.

Ce mystère enfin résolu, il en reste un dernier que je ne puis me résoudre à terminer cette missive sans évoquer, mon ami Aphtal ne me le pardonnerais sans doute pas :

Pour ma part, je tiens à t’informer que pendant que je t’écrivais, l’eau a bouilli, j’étais prêt à ajouter les condiments dans la sauce préparation mais suite au sentiment de méfiance et de trahison qui me saisit quand je contemplai carottes, concombres et piments posés sur la planche, je finis par renoncer.

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Ce soir pas de sauce, une petite bouillie nous fera grand bien.

 

Savoureusement,

Yann.

Epilogue :

Je le disais plus haut, il revient à chacun d’entendre dans la chanson de Reniss, ce  que son niveau de compréhension lui permet. Mais qu’il me soit accordé de dire une chose : en dehors de toute considération sémantique, musicalement « Le Piment dans la sauce » c’est une bombe ! Mettez de côté la voix de la chanteuse qui pique à mort, c’est le lieu de le dire et prenez le temps d’écouter les basses, les percussions, toute la richesse des musiques d’Afrique Centrale vous vient instantanément à l’oreille. Je vous mets l’audio ici pour ceux qui n’auraient pas encore goûté à la sauce. La vidéo c’est pour les adultes, mais je vous connais vous saurez trouver le chemin tous seuls.

Ce texte a été écrit dans le cadre de l’Episode 3 de la Saison 3 de The Blog Contest.

Découvrez ci-dessous le « grimba » de la sauce de :

Arsène

Christian

Elie

Leyo

Obone

Le piment dans quelle sauce ?

Le tobassi ou pourquoi je ne mange pas de poisson. #TBCS4E1

Fresh Fish
Source: http://www.gea.com

Je voulais redonner du tonus à mon blog, je voulais de la motivation, je me suis donc inscrit au #TBC (The Blog Contest) il y a quelques semaines. Le défi consistant à écrire un article sur la base d’un thème proposé par les internautes du forum. Eh bien, pour le premier thème nous voilà  servis! Il s’agit du « tobassi »

Avez-vous déjà essayé de vous saisir d’une savonnette les doigts trempés à l’excès ?

C’est cet exercice hasardeux qui pousse les principales indexées à recourir à la pratique appelée « tobassi ». Évoquer les indexées n’est pas manquer de doigté, amis lecteurs tant la pratique est largement liée à la gente féminine sous nos cieux ensoleillés d’Afrique. Si tout comme moi vous n’êtes pas camerounais, alors le terme chantant de « tobassi » ne vous évoquera sûrement rien. La colonisation et la mainmise dont le #TBC est l’objet de la part de nos collègues blogueurs camerounais sera le sujet d’un prochain billet si Dieu me prête vie. Ekie !

Phénomène sociologique que les mauvaises langues disent répandu en Afrique subsaharienne, le  « tobassi » est une pratique d’envoûtement opérée par une femme (la plupart du temps) sur son compagnon, ou le prince charmant ciblé ayant pour but de soumettre ce dernier à son bon vouloir, le rendre docile, l’ »attacher » sentimentalement au propre comme au figuré. Ah je vois que le terme commence à vous parler. Quelqu’un va mourir moins bête ce soir… Amen !

 

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Connu sous divers vocables tous aussi poétiques les uns que les autres à travers l’Afrique, le phénomène est désigné au Bénin et au Togo par le terme de « Gbotemi », littéralement « écoute pour moi » dans le sens de « écoute ma voix, fais ce que je veux ». Non, je ne me balade pas avec un dico fon – français sur moi en permanence, merci. Un petit résumé de certains noms utilisés ici :

Ne croyant personnellement en ce genre de pratiques, j’ai dû me documenter un peu en parcourant le net afin de rédiger ce billet. La pêche a été plutôt bonne. Vous comprendrez dans la suite pourquoi je m’exprime en termes halieutiques. Au Cameroun d’où le terme vient et où il signifie « assieds-toi là », une des techniques les plus répandues consisterait à farcir la tête d’un poisson particulier appelé le kanga reconnu charnu, goûtu avec une préparation à base d’herbes dont je me réserve de diffuser les détails. Au risque de me répéter, oui c’est déjà le cas, je sais, je ne crois pas à ces choses mais je ne manquerai jamais de respect aux anciens. Qui est fou ? I mean, farcir la tête d’un poisson, quelle belle allégorie du bourrage de crâne ! J’ai eu aussi vent de techniques impliquant des lavages intimes, ou des poils pubiens ou de lion (les deux pouvant être la même chose), pour la confection de la farce.  « Allons seulement »… A peine la couleuvre pardon, la tête avalée que le pauvre gus se retrouve ferré comme… un poisson. Vous êtes étonnés par le sens de la répartie des génies de la forêt camerounaise, moi plus maintenant…

Une étude pratiquée par mes soins auprès d’un large échantillon de trois personnes on a les moyens qu’on peut m’a permis de dégager quelques raisons qui peuvent pousser une femme à recourir à de tels stratagèmes. La première, la plus évidente, celle qui va m’allier le soutien de toute la gente féminine et me jeter en pâture comme une tête de poisson à mes congénères bipèdes à trois pattes allez-y comprendre quelque chose c’est que de notoriété publique et depuis la nuit des temps « l’homme n’est pas fidèle ». Can I get a « Amen », my soul sisters ?

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En même temps, vu que mon échantillon était composé exclusivement de femmes, une telle réponse vous étonne ? Du fait donc l’infidélité des hommes d’après mon échantillon, certaines femmes ont recours à cette camisole de force mystique pour les garder à la maison. C’est radical mais paraît-il, ça marche! Enfin, un certain temps avant que le pauvre bonhomme ne se mette à ramper pathétiquement aux pieds de sa « vénérée maîtresse » (sa femme quoi, enfin vous m’avez compris).

Dans la même veine, et dans une ambiance concurrentielle accrue entre coépouses dans un foyer polygamique, le « tobassi » assure à la grande prêtresse, pas maîtresse, le statut tant convoité de favorite du monsieur qui a eu le malheur non seulement de laisser traîner ses yeux au deyor mais d’oser ramener des colitières celles qui partagent le lit, quoi à sa première épouse au sein du foyer. En général quand le gbass marche, toutes les autres ne voient plus le monsieur le soir, du coup elles retournent chacune chez son marabout pour procéder à un envoûtement qui pour être efficace doit surpasser, supplanter celui de la favorite. On se retrouve donc avec le pauvre mari multi-tobassié, le visage hématié, le corps anémié à force de satisfaire les désideratas nocturnes des unes et des autres. « Vous n’avez pas dit vous peut ? Voilà ça maintenant ! » criera-t-on dans les rues d’Abidjan.

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Source: http://www.euronews.com

La plus injuste des raisons, quoiqu’il n’y ait pas de justice en ce bas-monde,  me semble être la troisième. Tu plais à la « nga », elle aussi te plaît, vous commencez un bout de chemin ensemble, tu te dis comme dans la chanson de Josey que tu vas « étudier son comportement » un certain temps. Mais la sournoise a déjà son plan ! Étudiée sous toutes les coutures, multi-« blessée de guerre » comme on dit chez moi, elle n’a plus le temps de ton amusement! Pour te mettre définitivement le grappin dessus, elle va recourir au « tobassi ». Un petit repas concocté par ses soins, la mixture savamment distillée dedans et te voilà la bague au doigt, diplômé devant Dieu et devant les hommes. A qui la faute ? La pression sociale exercée sur les femmes à propos du mariage dans nos contrées? Les précédents examinateurs qui ont rejeté son dossier ? Ou toi qui l’étudie depuis plusieurs années sans te décider ?

Il y a derrière ce recours ultime au « tobassi » une foultitude de raisons aussi bien sentimentales que financières. Ne nous mentons pas, ce n’est pas un pauvre employé comme moi qu’on va cibler ! Plus le gus est « valable » plus la « nga » va dépenser chez le marabout pour l’attacher.

Dans mes lectures, ce seront sans doute les conséquences tragi-comiques qui me seront restées. J’ai le souvenir notamment de ce cas extrême où cette femme est devenue veuve deux ans après avoir recouru à cet artifice mystique sur son mari qui a eu pour effet secondaire de le rendre addict au sexe, décédé de fatigue physique, le bougre! Ou encore de ce mari déshumanisé qui suivait sa femme partout en répétant sans cesse « Oui, Madame ». A n’en pas douter, la pratique n’est pas sans conséquence sur le corps et le mental de ces messieurs.

Une chose me paraît cependant amusante dans tout ceci, c’est que les adeptes partent avec le postulat soit qu’elles aiment l’homme en question et ne souhaitent pas le partager, ou qu’elles sont prêtes à lier leur destin indéfiniment au sien. J’ai entendu parler de photos clouées sur des arbres dans la forêt équatoriale ou de cadenas jetés dans les flots. Que se passe-t-il le jour où elles tombent éperdument amoureuses d’un autre homme et que voulant convoler avec le cher et tendre, le compagnon marabouté, artificiellement attaché à la dame refuse de la laisser partir ? Dans l’impossibilité de retrouver l’arbre en question ou de récupérer le cadenas englouti par les eaux afin de libérer le pauvre diable, laisseront-elles passer la chance de leur vie ou prendront-elles l’option de la polyandrie ?  A new drama is coming…

 

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Pour finir ce billet et rétablir un peu l’équilibre, je me dois de dire qu’il existe notamment au Sénégal une pratique similaire au « tobassi » employée cette fois-ci par les hommes et qui consiste à endormir leurs épouses à coup de talismans renouvelables ou de fétiches portatifs, soit par jalousie, soit pour qu’elle ne fasse pas de scandale lorsqu’il prendra une nouvelle coépouse. Voilà, mesdames vous pouvez souffler, je vous avais dit que je ne manquerais pas de doigté.

Le tableau a l’air bien sombre, et pourtant tous les couples unis qui s’aiment en Afrique ne sont pas forcément liés par des forces occultes. L’amour est accessible, encore faut-il que les partenaires aient suffisamment confiance en eux-mêmes et aient le réflexe de recourir à la communication plutôt qu’aux officines des marabouts pour régler leurs problèmes.

Parlant de problèmes, je connais un bon moyen d’éviter le « tobassi », faites comme moi mangez de la viande. Le poisson, ça craint !

 

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Le tobassi ou pourquoi je ne mange pas de poisson. #TBCS4E1